Le procès

La mascarade

Malheureusement repoussé de quelques mois pour cause de covid, le procès en correctionnel de l’usine de pâte à papier Fibre Excellence de Tarascon pour pollution débuta le 22 septembre 2020. Après palabres, il fut renvoyé au 6 janvier 2021 suite à une demande de complément d’information par une des parties civiles.

La météo exécrable du mercredi 6 janvier ne découragea pas le public, composé de parties civiles et de nombreux journalistes.

Car il n’est pas fréquent en France qu’une grande entreprise se retrouve devant les juges. La faute doit être lourde.

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Ici, la faute, ou plutôt les fautes, étaient conséquentes.

1.Émission par de substance polluante constitutive d’une pollution atmosphérique en violation d’une mise en demeure, en l’espèce pour avoir introduit dans l’atmosphère et les espaces des agents chimiques, biologiques ou physiques (poussières, combustions d’écorces, métaux lourds, HAP), émissions ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine et les ressources environnementales, à détériorer des biens matériels et provoquer des nuisances olfactives excessives, en dépit d’une mise en demeure par arrêté du préfet des Bouches du Rhône.

2. Exploitation d’une installation classée non conforme à une mise en demeure, en l’espèce pour avoir exploité une installation ou ouvrage, exercé une activité ou réalisé des travaux portant sur une installation classée en violation d’une mise en demeure prononcée par l’autorité administrative.

3. Exploitation d’équipement sous pression malgré un contrôle ayant conclu à leur non-conformité – équipements à risque spécifique, en l’espèce pour avoir exploité un équipement sous pression en méconnaissance des règles fixées par la réglementation relative au suivi en service des équipements sous pression, et en dépit d’un contrôle.

4. Exploitation d’une installation classée autorisée sans respect des règles générales et prescriptions techniques, en l’espèce pour avoir exploité une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à déclaration préalable, sans satisfaire aux prescriptions générales fixés par le ministre des installations classées ou par l’arrêté préfectoral d’autorisation l’adaptant aux circonstances locales

Rien que ça !

Ça n’était donc par hasard que l’industriel se trouvait convoqué au tribunal de Tarascon.

Les diverses plaintes des riverains et des associations avaient finies par obliger État à sortir de sa léthargie. Car si l’industriel se trouvait devant les juges pour ses graves infractions, on ne doit pas oublier que nombre de services de l’État avaient souvent, sous pression ou non, fermé les yeux sur les nombreux écarts environnementaux de l’usine.

Comme toujours, l’emploi avant tout.

Le procès se déroulant en pleine crise de l’usine, sortant d’une grève dure et en plein redressement judiciaire, la presse était là. La tournure que prit le procès laissa envisager une issue positive.

L’avocat de l’assureur de l’usine  à expliqué à la cour que son client ignorait les nombreux manquements de son client, afin d’éviter d’être obligé de couvrir les frais d’une condamnation ou d’un drame. Un allié inespéré.

La présidente connaissait l’affaire et l’histoire de l’usine sur le bout des ongles et, sans notes, égrenait les carences et infractions de l’établissement, s’étonnant que 14 directeurs se sont succédé à Tarascon depuis 1985 alors que dans le même temps l’usine jumelle de Fibre Excellence de Saint- Gaudens en avait eu 3 seulement.

Le directeur général de FET qui bredouillait des « je ne sais pas! » quand la présidente lui demandait pourquoi l’usine était dans cet état de délabrement. Tout ce qu’il a pu déclarer c’était que l’usine était en manque d’amour.

Le procureur général, vue la situation précaire de l’établissement, requérait 50 000€ d’amende au lieu des 500 000€ passibles pour de telles infractions. Il demandait la suppression du grief 3 car il avait validé en dernière minute un certificat de contrôle après réparation de l’équipement sous pression (document transmis à la présidente le jour de l’audience). Le délibéré fut programmé le 31 mars,

Ce fut un jour étrange. Bien moins de journalistes. Lassitude ou sentiment que tout était joué ?   

Les griefs 1, 2 et 4 furent balayés avec un argumentaire peu convainquant. Le 3, dont le procureur général demandait la suppression 3 mois avant devenant curieusement l’unique retenu.

10 000€ d’amende et inscription sur le casier judiciaire. Des broutilles. Et, coup de tonnerre, 136 parties civiles déboutées. Un verdict hué par la majorité du public, devant des magistrats un peu gênés. Notre sentiment est que ce verdict a été prononcé pour donner le change en montrant que justice avait été rendue puisque le procès se concluait par une condamnation.

Mais en abandonnant curieusement les 3 griefs concernant la pollution, les magistrats ont pu débouter toutes les parties civiles, car l’instruction et leurs demandes d’indemnisation portaient sur ces 3 manquements. Encore des dizaines de milliers d’euros économisés par l’usine.

Nous n’osons imaginer, bien sûr, qu’il y ait eu des pressions !

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