Un virus qui tue des hommes sains et soigne des entreprises malades
L’ordonnance (n° 2020-596 du 20 mai 2020) portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19 a été le début de tout. Car c’est grâce à cette ordonnance qu’une entreprise au bord de la faillite a pu s’auto reprendre en effaçant ses dettes.
Par un tour de passe-passe, la faillite d’une usine dans le rouge vif depuis 6 ans sera évitée par la crise du Covid19. Dans un entretien donné par Jean-François Guillot, Directeur général délégué de l’usine à la revue Le Bois International du 12 décembre 2020, le journaliste s’étonnait que le PDG d’une usine en dépôt de bilan mette autant de cœur à la redresser au profit d’un éventuel futur repreneur.
M.Guillot assurant qu’il désirait aider cette future reprise. Quel cynisme ! Car tout était déjà pensé, réfléchi, décidé.
Un modus operandi sans failles
Tout a commencé par des propositions de baisses de salaire inacceptables au personnel de Fibre Excellence Tarascon entraînant une grève, ce juste avant le procès de l’usine pour pollution. Histoire de bien médiatiser cette grève. Le tout suivi d’un dépôt de bilan et d’une mise en redressement judiciaire. Les mandataires du Tribunal de Commerce de Toulouse ont cherché en vain un acheteur. Personne ne désirait investir dans une telle ruine. Seule une entreprise était intéressée mais elle voulait être payé. Ça veut tout dire !
Comme nous le redoutions, l’actionnaire pollueur responsable de la faillite de l’usine s’est proposé d’en être le repreneur et tel Zorro, est devenu le sauveur providentiel.
Légalement, avant la pandémie, c’était une chose impossible. Mais l’actionnaire de l’usine, grâce à ses dizaines de conseillers et d’avocats, a vu dès sa promulgation l’avantage qu’il pourrait tirer de l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 et a tissé sa toile. Après de multiples réunions du Tribunal de Commerce de Toulouse, la proposition d’auto rachat a été acceptée le 22 juillet 2021, sans doute sous pression de l’État, au nom du « quoi qu’il en coûte ».
Une usine rouillée aux bilans catastrophiques a été donnée (5 Euros) à la société Herwey Investment B.W, faisant partie du groupe APP, le même qu’avant. Avec au passage un effacement honteux des dettes privées comme publiques.
Une belle opération qui n’a pu aboutir que par une grande mansuétude de l’État français.
Notons que cette ordonnance Covid n’a pas été faite pour des entreprises en difficulté ou moribondes avant le Covid, mais pour celles affectées par la pandémie. Cette ordonnance a entre autres profité à l’entreprise Alinea, détenue par la famille Mulliez (Auchan) dont le Tribunal de Commerce de Marseille a accepté l’offre qui prévoyait la suppression de 992 postes et la fermeture de 17 magasins de meubles sur 26 alors que le secteur n’était pas sinistré. Une manière de se refaire une santé que n’ont pas eu certaines entreprises françaises, notamment celles créées peu avant le Covid et qui n’avaient pas de bilan. Celles-ci ont pu crever dans indifférence générale.